Décontamination du petit matériel par traitement thermique en étuve de séchage

01/09/2025

Une démarche de complément de nettoyage et désinfection classiques par un traitement thermique a été mise en place pour améliorer la décontamination du matériel entrant dans les élevages de porcs et de volailles, en réponse aux exigences sanitaires et de biosécurité.

La pression sanitaire et les efforts demandés aux éleveurs au niveau de la biosécurité nous ont incité à mener une démarche d’amélioration de la qualité de la décontamination du matériel qui est entré en élevages de porcs et de volailles. Cette démarche permet une meilleure sécurisation de l’introduction de matériel en élevage et des audits effectués par Chêne Vert.

Le principe est de soumettre le matériel à un traitement thermique après avoir réalisé le nettoyage et la désinfection classiquement mis en place dans nos structures. Les résultats des prélèvements réalisés nous ont montré l’efficacité de la méthode avec une réduction du nombre de germes après passage à l’étuve.

 

1- Contexte et objectif

Dans notre clientèle, plusieurs types de matériels sont susceptibles d’être utilisés dans plusieurs élevages :

  • Matériels dédiés aux audits et au suivi technique et sanitaire

Saisie de données (tablettes), mesures (mètre ruban, mètre laser, sonde ultrason ELD…)

  • Matériels de prêt aux éleveurs ou de prestation
  • Appareil de vaccination intradermique, dispositif de nettoyage des canalisations d’eau (APIRE)

Si la recommandation de base est que l’élevage mette à disposition des intervenants le maximum de matériel en propre, la fréquence d’usage ou le coût d’acquisition rendent inévitable l’utilisation du matériel technique de pointe extérieur à l’élevage. Dès lors les intervenants et l’éleveur doivent s’assurer que ces matériels soient désinfectés/indemnes d’agents pathogènes de manière à réduire au maximum le risque de contamination inter-élevages.

Le processus habituel consiste à nettoyer et désinfecter le matériel à la sortie de l’élevage et/ou au retour au bureau par traitement chimique (détergeant, désinfectant), en surface ou par immersion selon le matériel.

Objectif du projet : Ajouter une sécurité supérieure, avec une double désinfection par ajout d’un procédé diférent.

2- Méthode et résultats

2.1 - Synthèse des méthodes disponibles (H2O2, UV, etc…) avantages / inconvénients

Tableau 1 : Exemples d’autres méthodes de désinfection disponibles.

Méthodes disponibles

Avantages

Inconvénients

 

H2O2

S’utilise sur une grande variété de surface et de matériel

Risques pour l’utilisateur en cas de contact direct ou d’inhalation

Ultraviolet

Bonne eficacité en détruisant ou en inactivant les micro-organismes

Les surfaces non exposées au rayonnement direct ne sont pas désinfectées

Stérilisation

Si chaleur sèche : 30 min à 180°C ou 2 h à 160°C

Altération du matériel à des températures supérieures ou  égales à 121°C

Oxyde d’éthylène

Utilisation pour du matériel thermosensible

Nécessite une chambre étanche

2.2 - Contraintes propres au matériel et choix de la méthode

Le matériel que nous rentrons en élevage est varié tant au niveau des matériaux (caoutchouc, plastique, métal, …) avec des diférences de résistance aux contraintes du milieu, que du système de fonctionnement (sans énergie électrique, avec batterie non amovible, avec batterie amovible, sur secteur …). La méthode de décontamination utilisée doit prendre en compte tous ces éléments.

La méthode par traitement thermique représente la meilleure option aussi bien sur le côté pratique que du point de vue de la sécurité du personnel pour sécuriser davantage l’introduction du matériel dans les élevages.

Contrairement à l’équipement d’un sas de visite, la durée de décontamination est moins contraignante s’agissant d’une utilisation au bureau entre deux journées de travail. Le choix de l’étuve s’est basé sur les points suivants : eficacité de la décontamination, respect des matériels, facilité d’usage et de mise en place dans nos locaux.

Le volume intérieur maximum nécessaire a été évalué en amont afin de rentabiliser au mieux la mise en fonctionnement de l’appareil.

2.3 - Choix du couple température/durée de traitement

Nous avons pris en compte les données bibliographiques présentes dans le tableau 2 situé plus bas dans cet article, mais aussi les contraintes de résistance thermiques du matériel utilisé.

Dans ce tableau 2 sont indiqués diférents pathogènes avec la température et la durée minimum d’exposition pour les rendre inactifs.

Les appareils contenants une batterie non amovibles ne peuvent pas être introduits dans l’étuve.

Le protocole est le suivant : introduire dans l’étuve du matériel nettoyé et désinfecté comme nous le faisions habituellement, puis passer ce matériel à l’étuve pendant 3h à 60°C.

Tableau 2 : Données bibliographiques de températures d’inactivation de diférents pathogènes.

Pathogène

Source

Température

Durée

Porcins

 

 

 

SDRP

(2)

60°C

40 min

PPA

(1)

60°C

30 min

Grippe porcine H1N1

(3)

56°C

15 min

Virus diarrhée  épidémique porcine

(8)

60°C

30 min

Virus de la  gastroentérite transmissible

(5)

60°C

10 min

Rotavirus

(5)

60°C

1 min

Streptococus suis

(5)

60°C

3 min

Actinobacillus pleuropneumoniae

(5)

60°C

1 min

Escherichia coli

(5)

60°C

1 h

Volailles

 

 

 

Salmonella

typhimurium

(9)

60°C

1 h

Influenza aviaire H5N1

(6)

56°C

30 min

Influenza aviaire H7N9

(10)

56°C

65°C

30 min

10 min

2.4 - Validation de la méthode par étuvage

Avant d’utiliser l’étuve en routine, nous avons validé ce protocole par des analyses en laboratoire. Nous avons utilisé la technique de chifonnettes avec neutralisant et recherché la flore aérobie mésophile (indicateur de la charge bactérienne…). Quatre essais ont été réalisés à des dates diférents (en novembre et décembre 2024) et sur quatre types de matériel. Les résultats sont présentés sur la figure 1.

2025-09-01_12h05_44

Figure 1 : Résultats du laboratoire après contrôle réalisé à l’aide de chifonnettes avec neutralisant.

Légende :

Prélèvement P1=avant nettoyage/désinfection et avant passage à l’étuve ; P3=après nettoyage désinfection et passage à l’étuve.

Code contamination : 0 = 0 germe ; 1 = 1 à 9 germes ; 2 = 10 à 49 germes ; 3 = 50 à 300 germes ; 4 = supérieur à 300 germes.

> Nous pouvons lire sur le graphique 1 que le niveau de flore aérobie mésophile est diminué après nettoyage désinfection et passage à l’étuve. L’utilisation de l’étuve nous permet de sécuriser l’étape de désinfection pour du matériel un peu délicat à désinfecter. L’utilisation de l’étuve en routine a débuté début janvier 2025.

2.5 - Contrôle qualité

Afin de bien maitriser la non-contamination de l’étuve elle-même et de maintenir un contrôle de l’eficacité de notre protocole, nous réalisons un contrôle mensuel sur trois objets à l’aide de chifonnettes  avec  neutralisant  (recherche  flore  aérobie  mésophile). L’intérieur de l’étuve est aussi contrôlé, après fonctionnement, avec une chifonnette pour recherche de Salmonelles et une boite de contact pour recherche d’Entérocoques.

Les résultats du mois de janvier et février 2025 sont présentés dans les tableaux 3 et 4.

Tableau 3 : Résultats du laboratoire pour recherche de flore aérobie mésophile.

Date

Objets

Avant étuve

Après étuve

Janvier 2025

Niveau à bulle

0

0

Malette multimètre

0

0

Câbles multimètre

1

0

Février 2025

Malette multimètre

0

0

Câbles multimètre

0

0

Tuyaux APIRE

2

1

Tableau 4 : Résultats du laboratoire pour recherche de Salmonelles et Entérocoques.

Date

Recherches

Résultat

Janvier 2025

Salmonelles

Négatif

Entérocoques

0

Février 2025

Salmonelles

X (défaut de prélèvement)

Entérocoques

0

>Tableau 3, les niveaux de contamination sont déjà bas avant passage à l’étuve, dans le cas des Câbles du multimètre et des tuyaux de l’APIRE, le passage à l’étuve permet de réduire de 1 point la contamination.Les résultats présentés dans le tableau 4 permettent de nous conforter dans notre hypothèse de non-contamination de l’étuve après plusieurs utilisations pour du matériel qui revient aussi bien d’élevages de porcins que d’élevages de volailles.

3. Le processus en pratique

Doc1

Pour en savoir plus, contactez Amel Taktak, ingénieure en filière porc chez Chêne Vert.

Sources bibliographiques :

  1. Avis de l’Anses Saisine n°2018-SA-0237 Saisines liées n°2018-SA-0210, 2018-SA-0218 ; EFSA Panel on Animal Health Welfare. 2010. "Scientific opinion on African swine fever." EFSA Journal 8 (3):1556.
  2. Bureau d’Inspection Vétérinaire, Alimentaire et Phytosanitaire (BIVAP) TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ; Service d’État de l’Agriculture, de la Forêt et de la Pêche (ANNEXE XI : PROCEDURES D’INACTIVATION DES AGENTS PATHOGENES AGRÉÉES PAR LE TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA).
  3. Centre de Recerca en Sanitat Animal (CReSA) ; Official Master's Degree in Zoonoses and One Health ; Gabriela Asenjo Andrews ; 2017-2018.
  4. Fiche Technique Santé-Sécurité : Agents Pathogènes – Mycoplasma spp. ; Gouvernement du Canada (2011).
  5. Jill van Kessel et al., 2020. Time and temperature requirements for heat inactivation of pathogens to be applied to swine transport trailers.
  6. Muhammad et al., 2009. Avian influenza virus (H5N1) ; effects of physico-chemical factors on its survival. Virol J. 6 : Article number 38.
  7. National Institutes of Health (NIH) 2008.
  8. Pospischil A, Stuedli A, Kiupel M. Update on porcine epidemic diarrhea. J Swine Health Prod. 2002 ; 10 : 81-85.
  9. Sagor Biswas et al., 2019. Thermal Inactivation of Excherichia coli and Salmonella Typhimurium in Poultry carcass and litter at thermophilic temperatures.
  10. Shumei et al., 2013. Inactivation of the novel avian influenza A (H7N9) virus under physical conditions or chemical agents treatment. Virol J. 2013 Sep 15;10:289.
Tweeter Partager sur Linkedin