L'enjeu de la lutte contre l'antibiorésistance
Dans une dynamique de limitation et d’usage raisonné des antibiotiques, une bonne prescription et une bonne administration sont prioritaires en élevage. Les objectifs de démédicalisation et la préoccupation croissante face à l’antibiorésistance mènent à repenser les traitements.
Depuis avril 2023, toutes les prescriptions vétérinaires d’antibiotiques sont remontées à l’Agence du Médicament Vétérinaire (ANMV) par le biais du logiciel Calypsovet.
Bien choisir l'antibiotique
Le choix de la spécialité antibiotique et de sa matière active par le vétérinaire dépend :
- du résultat de l’antibiogramme
- de l’AMM[1] de la spécialité,
- de la distribution intra ou extracellulaire de la matière active,
- de la pharmacocinétique et pharmacodynamie,
- de la toxicité,
- du risque de développement de résistance,
- des interactions médicamenteuses,
- des coûts
- et du temps d’attente.
Pour un couple bactérie-antibiotique donné, l’antibiotique peut soit être plus efficace lorsque la concentration en contact avec la bactérie augmente (dépend de la concentration) soit être plus efficace lorsque le temps d’exposition entre la matière active et la bactérie augmente (dépendant du temps). Dans tous les cas, l’antibiotique devra être choisi en fonction de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI), calculée au laboratoire, qui est la concentration de principe actif minimale pour avoir une action sur la bactérie visée. En pratique, on réalise des antibiogrammes avec différents disques imprégnés d’antibiotique : plus le diamètre autour du disque est grand, plus la bactérie est sensible et la CMI basse. Les critères de diamètres minimum et maximum sont différents pour chaque disque, c’est-à-dire qu’on ne peut pas comparer les diamètres de 2 antibiotiques différents.
[1] AMM : Autorisation de Mise sur le Marché qui définit l’espèce cible, l’indication thérapeutique, le temps d’attente…
Les antibiotiques en rouge sont les antibiotiques critiques : leur utilisation est soumise à des règles strictes de prescription. Les céphalosporines de 3,4 et 5ème générations sont également classées comme antibiotiques critiques. La réglementation risque d’évoluer dans les années futures en augmentant le nombre d’antibiotiques classés "critique".
Une bonne administration conditionne une bonne efficacité
1 - Mise en solution & qualité d'eau
La voie orale est communément utilisée en antibiothérapie avicole. La quantité de médicament doit être pesée avec précision sur une balance pour les poudres ou un pichet doseur propre et dédié pour les liquides (ne pas utiliser un pichet doseur pour les poudres, en effet, les antibiotiques n’ont pas tous la même densité).
La concentration ne doit pas aller au-delà de la limite de solubilité au risque d’avoir des dépôts dans le bac et les canalisations. La mise en solution de toutes les spécialités antibiotiques, doit s’effectuer dans une solution-mère de 5 litres environ (pré-dilution) dépourvue de produit ou trace de produit à activité biocide (contenant, eau de dilution, agitateur…). Sur avis de votre vétérinaire, le peroxyde d’hydrogène, l’électrolyse, la chloration servant à la potabilisation de l’eau pourront être stoppés.
L’eau doit idéalement être à température ambiante (ni trop chaude, ni trop fraîche), permettant ainsi une bonne homogénéisation. En effet, une eau trop froide (<10 °C) empêche une bonne dissolution tandis qu’une eau chaude (>50°C) détruit certaines molécules. Le contenant doit être assez grand pour permettre une bonne agitation.
Homogénéiser avec un fouet permet d’obtenir une solution constituée d’une seule phase.
⚠️ Attention au cas particulier de la tylosine qu’il faut laisser reposer toute seule sans aucune agitation (Dans tous les cas, il faudra vous référer au conseil de votre vétérinaire).
2 - Distribution
Afin d’adapter au mieux les traitements aux animaux concernés, idéalement, les circuits de distribution doivent permettre de traiter spécifiquement les parcs atteints (mâles/femelles par exemple).
Quand on ne traite qu’une partie des animaux, il est conseillé d’utiliser un colorant traceur pour vérifier que seuls les animaux ciblés reçoivent le traitement.
Une attention particulière est à apporter à la propreté des canalisations : une purge préalable limitera la présence de biofilm et aidera au débouchage éventuel.
Chaque animal doit avoir à disposition la bonne quantité de solution médicamenteuse. Le nombre de points d’abreuvement et le type d’équipement doivent donc être adaptés au nombre et à l’âge des animaux.
➡️ Les antibiotiques temps-dépendants nécessitent une durée d’application étendue : l’antibiotique doit être distribué sur la majeure partie de la période éclairée, nécessitant un réglage précis de la pompe doseuse ou d’une distribution avec plusieurs bacs suivant leurs tailles.
➡️ En concentration-dépendant, le temps de distribution peut être réduit mais doit être suffisamment long pour que tous les animaux aient leur dose. Une durée de 6 à 8 heures est en général préconisée (se référer à la prescription vétérinaire).
La toxicité est un élément à prendre en compte. En cas de pic de concentration trop élevé, l’antibiotique peut engendrer des effets secondaires (troubles nerveux, désordres digestifs…).
⚠️ La responsabilité de l’éleveur est engagée dans la distribution de l’antibiotique :
Il doit respecter scrupuleusement la prescription de son vétérinaire tant en terme de dosage qu’en terme de durée d’administration. Il doit notamment veiller au respect du temps d’attente qui garantit l’absence de résidus dans la viande ou les œufs : celui-ci commence après la fin de la consommation du dernier bac, quand il n’y a plus de solution médicamenteuse dans le circuit d’eau et que celui-ci a été purgé (point zéro).
Conclusion : une attention particulière doit être portée aux traitements antibiotiques
Il convient de bien connaître les règles de choix et d’administration aux animaux. Votre vétérinaire saura vous aiguiller pour l’adapter à votre système de distribution. Il est possible de réaliser un audit d’administration de traitement dans l’eau de boisson pour maîtriser les points critiques de la distribution.
Et pour aider à une utilisation responsable des anti-infectieux, ELEA propose un module de formation dédié, labellisé Ecoantibio.
Article rédigé par Paule-Azéline Guérineau, DMV Chêne Vert
Diplômée de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes en 2023, après un cursus à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Paule-Azéline Guérineau exerce depuis fin 2024 au sein de Chêne Vert, sur le site de Varades (44).
Auparavant, elle a occupé un poste chez le sélectionneur Hendrix Genetics en sélection poule pondeuse et dinde pendant 1 an. Paule-Azéline s’occupe essentiellement de poules et dindes reproductrices.