L@ Plume Verte-bandeau-2021-1000x700px-V2

Séverine Chuberre

mardi 18 mai 2021

L@ Plume Verte #51 : Retour sur la crise IAHP 2020-2021

A l’heure où la crise IAHP (Influenza Aviaire Hautement Pathogène) 2020-2021 semble s’apaiser en France, quel bilan peut-on tirer des derniers mois, en particulier dans le Sud-Ouest, qui a, une nouvelle fois, été le plus durement touché ?

Quelles évolutions doivent être envisagées, en particulier par la filière Palmipèdes gras, pour maintenir une production française sécurisée ?

Temps de lecture : 4 minutes

La crise IAHP en France : explications

Le 23 octobre dernier, suite à la découverte de cas sur des oiseaux migrateurs aux Pays-Bas, la France rehaussait son niveau de risque vis-à-vis de l’IAHP à « modéré » sur l’ensemble du territoire métropolitain, puis passait en risque élevé à compter du 6 novembre, imposant, en particulier, la claustration des volailles. Cinq mois plus tard, le bilan est lourd, en particulier pour le Sud-Ouest, et la production de Palmipèdes gras: à ce jour, presque 500 foyers déclarés (dont la plupart pour le Sud-Ouest), plus de 3.5 millions de canards abattus.

Si les premiers foyers « volaille » ont d’abord été détectés en animalerie, très vite, des élevages commerciaux sont concernés, d’abord dans les Landes, début décembre, en particulier dans la zone de Chalosse, dont la densité en élevages de canard gras plein air est élevée, puis en Vendée et Deux-Sèvres, dans des élevages en claustration.

Si la situation en Vendée et Deux-Sèvres est rapidement maîtrisée, sans dissémination du virus à partir des foyers primaires, elle devient difficilement contrôlable dans les Landes, mais aussi dans les départements limitrophes (Pyrénées-Atlantiques, Gers, Hautes-Pyrénées, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne).

Cette diffusion a été modélisée sur la plateforme ESA, qui réalise une épidémiosurveillance en santé animale : ESA_DIFFUSION_IAHP_SUD-OUEST_ET_EUROPE

Cette diffusion rapide du virus dans le Sud-Ouest s’est déroulée de la façon suivante :

  • Contamination initiale des canards gras non claustrés, car sous régime dérogatoire (par Arrêté du 5 mai 2017, les élevages de moins de 3200 canards sont autorisés à laisser leurs oiseaux dehors, même en période de risque élevé IAHP) par des oiseaux migrateurs contaminés. Ces derniers, principalement des Anatidés, se sont posés par mimétisme dans des parcours où ils ont repéré des oiseaux qui leur étaient semblables.
  • Etant en période hivernale, avec une forte humidité, la persistance du virus IAHP a été maximisée, facilitant ensuite la contamination d’élevages voisins des premiers cas. En effet, les canards restés en plein air ont excrété une grande quantité de particules virales très contagieuses, en particulier par les fientes, ces dernières ayant ensuite permis une diffusion du virus dans les élevages via des failles de biosécurité (mouvements de matériel, de personnes, d’animaux, …). La très forte période d’activité liée à la production de foie gras pour les fêtes, entraînant une forte densité d’animaux, même en petites unités de 3200 oiseaux maximum, ainsi qu’une grande proximité entre élevages bénéficiant souvent de dérogation à la claustration dans certaines zones (jusqu’à 4 élevages au km²), expliquent en partie une flambée de cas, en particulier dans les Landes. Ce seul département comptabilise en effet près de ¾ des foyers détectés dans le Sud-Ouest.
  • Pour aggraver la situation, la période d’incubation chez les palmipèdes est relativement longue (5 à 7j) et les symptômes parfois frustes ; les délais de mise en œuvre des euthanasies au pic épizootique (jusqu’à 12 jours) ont fini de rendre la situation incontrôlable. 
  • Pour tenter d’enrayer cette flambée, des abattages préventifs ont été mis en place, d’abord dans un périmètre de 3 km autour de chaque foyer, puis, voyant que le virus se propageait trop vite, dans un périmètre de 5 km autour de chaque foyer. Ceci a conduit à l’abattage de plus de 3.5 millions de canards en 3 mois !!!
Que faire à l’avenir pour ne pas revivre un tel scénario ?

Nous l’avons dit, les principaux facteurs expliquant la flambée de cas dans le Sud-Ouest sont :

  • Le maintien en plein air d’oiseaux en période de risque élevé IAHP, ayant facilité leur contamination par les oiseaux migrateurs porteurs du virus.
  • La forte densité d’oiseaux liée au pic d’activité que connaît le Sud-Ouest à cette période en vue de la demande en foie gras pour les fêtes de fin d’année.
  • La grande proximité entre élevages dans certains secteurs.
  • Le non-respect strict des mesures de biosécurité pourtant imposées par l’Arrêté du 8 février 2016.
  • La période d’incubation relativement longue chez les palmipèdes, avec des symptômes parfois frustes, et les délais de mise en œuvre des euthanasies au pic épizootique.

A l’heure où le nombre de foyers déclarés est en forte baisse (seulement 8 foyers déclarés depuis début mars), il est important de se projeter vers l’avenir pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise. C’est pour cela que tous les acteurs concernés (organisations de production, DDPP, scientifiques, …) réfléchissent à des évolutions possibles, notamment pour la filière Palmipèdes gras dans le Sud-Ouest :

  • Le confinement de tous les oiseaux en période à risque, impliquant la suppression de la dérogation accordée aux petites unités, et la construction de bâtiments pour pouvoir protéger les oiseaux d’une contamination primaire, mais aussi empêcher les contaminations secondaires notamment par l’avifaune sédentaire et la persistance du virus sur les parcours.
  • La baisse de densité en période à risque, avec un étalement de la production et des événements liés au foie gras (foires décalées du printemps à l’automne).
  • Un renforcement des mesures de biosécurité, en réfléchissant non pas à l’échelle d’un élevage, mais plutôt d’une zone regroupant plusieurs élevages, en imaginant « un fonctionnement coordonné plus sécurisé, en discutant aussi avec les fournisseurs et les acheteurs (animaux, gaz, paille, aliment, équarrissage, …). Eux savent quels sont les problèmes récurrents et quelles solutions apporter », comme le souligne très justement JP Vaillancourt dans une interview récente à Réussir Volailles.

Dans un communiqué publié le 1er avril dernier, le Ministère de l’Agriculture souhaite tirer les leçons des « insuffisances » du pacte filière qui avait fait suite à la crise IAHP 2016-2017, et engager un « travail concerté de réécriture de la feuille de route Influenza aviaire ». « Les premières réunions des groupes de travail nationaux associant les services du Ministère et les acteurs professionnels ont débuté ». Elles devraient déboucher sur une nouvelle feuille de route validée pour la fin juin.

Le but n’est pas de supprimer l’élevage en plein air, mais de l’adapter en période à risque. Rappelons que le bien-être animal passe, en plus du respect des particularités physiologiques de chaque espèce, par une absence de souffrance liée, entre autres, aux maladies infectieuses, dont l’IAHP fait partie.

Article rédigé par Catherine Wardzynski, DMV Chêne Vert

TÉLÉCHARGER L'ARTICLE

catherine

Catherine Wardzynski exerce au sein du cabinet Chêne Vert à Loudéac (22) depuis 2014 en tant que vétérinaire avicole.

Elle anime également des formations à destination d'éleveurs et d'équipes techniques depuis 2015.

A propos de l'auteur

Séverine Chuberre

Séverine Chuberre

Chargée de Communication